mardi 24 août 2010

Déguster Aveuglément

'Cellier' est un magazine publié par la Société des Alcools du Québec (SAQ) que j'aime beaucoup. Depuis quelques numéros, une dégustation à l'aveugle met en compétition des vins sur un thème. Lors du dernier numéro, le match comparatif exposait une sélection de Riesling. Je fus très surpris du gagnant, alors suite à certains évennement, je decidai d'écrire à l'éditeur...

Voici ma lettre et sa réponse:


Bonjour Mr.Chapleau ,

J’aimerais tout d’abord vous féliciter et vous remercier pour l’excellent magazine que vous publiez au nom de la SAQ. C’est certainement un des service/produit pour lequel payer des taxes semble moins ennuyeux! Je lis tous les articles assidument et en général, la qualité de l’information et le style est toujours de qualité et ca me plait beaucoup.

Cependant, suite à votre match comparatif des Rieslings parut dans le dernier numéro, j’ai murit l’idée que votre démarche, quoique scientifiquement soignée et bien intentionnée est fondamentalement erronée et vouée à une mauvaise représentation de la qualité des produits. Je vous explique mon point de vue :

Les dégustations à l’aveugle de telle envergure sont généralement faites en recrachant les produits et étant donné le nombre de bouteilles, il est normal qu’une brève exposition au produit ait lieu plutôt qu’une appréciation prolongée (j’assume, mais avec une certaine certitude). Je fus surpris de voir des Rieslings Australiens gagner avec autant d’autorité, y étant séjourné pendant un bon moment sans trouver de ‘bons’ Rieslings. J’ai donc décidé de déguster votre fameux gagnant (Wolf Blass) à l’aveugle en compagnie d’amis amateurs de Riesling, tout comme moi (il faut dire que l’Alsace fut une des première régions vinicoles que j’ai visité).

Nous étions 6 et j’étais le seul à connaitre l’identité du produit. Aucun de nous ne l’avais dégusté auparavant et les 5 autres n’avaient pas eux écho de l’article de Cellier. Nous avons dégusté notre verre sans nourriture (comme apéro si on veut et pour être plus près de votre réalité?). Idéalement, le vin serait dégusté avec de la nourriture; déjà là je crois que les scores changeraient beaucoup!

Au début je donne aucune piste. Les dégustateurs sont laissés à eux-mêmes. Les premières gorgées révèlent des commentaires positifs; « Bonne acidité, un peu floral, vin bien fait. » On s’aventure sur le cépage et puisque quelques dégustateurs s’égarent je leur donne le premier indice; c’est du Riesling. Surprise pour certains. Tous le trouve atypique et s’entendent pour dire qu’il n’est pas le meilleur représentant du cépage en terme de typicité et de qualité. On continue de boire en discutant. Le vin évolue un peu, certains commencent à percevoir des arômes pétrolés subtiles. Nous sommes rendu à déterminer la provenance. Aucun n’opte pour l’Alsace; on mentionne l’Autriche, l’Italie et la Nouvelle-Zélande. Et à un moment donné, après environ 2/3 de la portion consommée, le vin devient ‘tannant’. C’est un consensus; c’est un Riesling correct, pas un grand vin. Ce ne serait pas le type de produit qu’on achèterait. Un dégustateur ne finit pas son verre (ce qui est atypique de sa personnalité). Je dévoile ensuite la bouteille. Ils sont un peu surpris, mais pas tant que ca étant donné leur conclusion après un verre. Il sont surtout agréablement étonné du bas taux d’alcool.

Le lendemain, nous buvons plusieurs bouteilles de Riesling d’Alsace au cours d’un repas et ce fut franchement meilleur. La ‘digestibilité’ est clairement supérieure. Cette caractéristique importante du vin n’est malheureusement jamais bien identifiée lors de dégustations à l’aveugle et grands concours mondains. L’équilibre est souvent mal évalué selon moi puisque le temps de contemplation réduit, ainsi que le ‘stress’ plus élevé du dégustateur affectent les résultats finaux. Et si on s’entend pour dire que l’appréciation du vin se fait ultimement en mangeant, ces dégustations à l’aveugle, quoique cocasses et amusantes, n’ont rien de sérieux dans la quantification de la qualité holistique et intrinsèque du vin. Je vais donc continuer de lire les résultats avec un grain de sel, comme on regarde des singes jongleurs dans un cirque (ce sont peut-être de très bon jongleurs, mais pas nécessairement les ‘meilleurs singes’ ou ce qu’il y a de plus ‘singe’).

Merci de votre lecture, je croyais que cette petite expérience/perspective vous intéresserait.

Cordialement,

Mathieu Landry


Et voici sa réponse...


Cher monsieur,

Merci pour votre point de vue.

Il est certain que la dégustation à l'aveugle a des limites.

Il s'agit de toujours le garder à l'esprit, effectivement.

Cordialement,

Marc Chapleau


Je vous laisse à vos opinions... ;-)